Séance Photos #1

Ici se déroulera la séance de photos numéro une.
Il y a un maximum de quatre personnes par topic, en comptant le photographe.
Chacun postera à la suite.
Si vous êtes ici, c'est parce qu'on vous a donné un rendez-vous pour participer à la seconde partie du concours.
/!\ Il est possible qu'un ou deux PNJ interviennent (dont le photographe).

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Jour: 23 Octobre
Heure: 9h00
Participants:
+ Nikolaï Kohl
+ Elisabeth Howard
+ Miguel Riveira

Mais pourquoi donc avait-elle sauté à pieds joints dans ce joyeux merdier?

Pensée étrange, s'il en était, de bon matin au saut du lit. Encore plus de la part d'une charmante demoiselle sensément bien éduquée, douce et sympathique qui, si on creusait un peu, ne l'était pas du tout. Du moins, aujourd'hui était-elle sensée être éduquée, douce, et sympathique, affectant le syndrome de la parfaite cruchette amoureuse. Parce qu'on ne vous l'avait pas annoncé? Elisabeth s'est mariée. Avec ce pauvre Nikolaï, qui n'avait rien fait pour mériter ça, si ce n'est être le collègue masculin le plus serviable et le plus digne de confiance selon les critères étrange de l'anglaise. Pour ne rien gâcher vu les circonstances, c'était un très bel homme. La jeune femme eut une pensée attristée pour son pauvre camarade de lutte, qui n'avait sur elle que le seul avantage de ne pas s'être arraché les cheveux sur une énigme insoluble. Récapitulons la situation on ne peut plus anarchique: après un message des plus douteux sur son téléphone, notre sanguine damoiselle avait passé deux trois nuits blanche à décortiquer tout ça avant que ne sorte un message encore plus douteux, si c'était possible, que l'original. Dans un élan patriotique pétri de son damné sens de la justice, Elisabeth avait décidé de résoudre ce mystère, de trouver son mystérieux contact, de lui faire comprendre de manière diplomatique que non, les messages codés c'était pas son truc et de lui faire cracher ses sources par la for… de lui demander gentiment d'où il tenait tout ça. Tout ça quoi? Rien de moins qu'une accusation de trafic sordide dans lequel l'Elite Agency serait sérieusement impliquée. Mais quand elle était allée voir le procureur Delacroix pour obtenir un mandat, ou tout du moins le droit de fureter en bonne et due forme, celui-ci l'avait poliment envoyée promener, sous prétexte qu'il ne pouvait délivrer une telle permission sous le couvert de simples présomptions. Et pendant un instant, la sniper aurait juré avoir entraperçu un éclat de rage mâtinée de frustration dans les yeux glacés du juriste. Que savait-il? Ou plutôt… que ne savait-il pas, et qu'avait-il deviné?

Le brusque positionnement du jeune français en numéro deux de sa liste des personnes louches ne l'ayant pas aidé des masses à résoudre le problème, la solution s'était douloureusement imposée à la jeune femme sous la forme d'un slogan aguicheur et d'une photo de superbe jeune femme: un prospectus pour le concours de l'agence de mannequinat. Et à partir de cet instant, la jeune femme sentit qu'elle ne contrôlait plus rien.

Il n'y avait plus qu'un seul moyen d'entrer dans cette boite. Un seul moyen légal et exempt de tous soupçons. Un moyen qu'elle n'avait pas en sa possession! Car si la jeune femme disposait d'un charme exotique certain, d'une beauté sauvage et d'un indiscutable panache, son allure ethnique indéterminé et l'hideuse cicatrice qui lui dévorait le buste étaient sans contestes éliminatoires. Mais… avait-elle vraiment le choix? Mais seule, elle ne resterait jamais assez longtemps dans la compétition pour découvrir quoi que ce soit. Il lui fallait quelqu'un, quelqu'un digne de confiance, pour pouvoir participer en couple. Et Nikolaï fut le seul nom qui lui vint à l'esprit. C'était un jeune homme calme, dont Elisabeth appréciait la discrétion et le tact. C'était également un collègue dont elle reconnaissait les talents et l'intégrité. Il disposait de la glaciale beauté du nord, et son regard posé et lointain avait quelque chose d'envoutant: sans nul doute serait-il sélectionné. Un peu gênée de lui demander ce service, elle lui avait montré le message et la traduction qu'elle en avait fait: pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, il accepta. Par gentillesse, peut-être. Ou peut-être y avait-il autre chose…

Quoi qu'il en soit, ils étaient à présent mariés, sous le nom de Chris et d'Angelina Cooper, munis de magnifiques vrais faux papiers, capables de résister au tests les plus pointus. Terroristes? Non! Mannequins amateurs!

Quoi qu'il en soit, et ce malgré les pensées tourbillonnantes et désordonnées de la jeune femme, malgré sa mauvaise volonté évidente et même malgré son douloureux pressentiment que tout allait mal se passer, Elisabeth n'avait plus le choix. Elle devait y aller. Elle devait se préparer, du moins le strict minimum puisqu'on lui avait affirmé que ni maquillage (comme si elle se maquillait!) ni tenue n'étaient exigées. S'examinant devant la glace, elle passa un doigt hésitant sur la longue cicatrice anormalement lisse qui prenait naissance dans le creux de son bassin, remontait le long de son flanc, soulignant de manière étrange et sordide la finesse de sa taille, rampait sur ses côtes et se terminait à la naissance de son sein droit, déchirant la perfection de sa peau mate d'une ligne pâle et épaisse, comme une longue flamme imprimée sur son corps. Bien! Ne restait plus qu'à espérer que nul ne lui demanderait de poser en maillot de bain, en top dévoilant le ventre, et de manière plus générale en quoi que ce soit qui dévoilerait davantage que le strict minimum. L'anglaise enfila un survêtement gris, confortable et pratique, et retint son incroyable crinière embrasée par une tresse lâche. Un dernier regard sur son allure confirma ce qu'elle savait déjà: elle n'avait pas l'allure pour un tel concours. Loin d'être dans les normes de maigreur en vigueur, le corps délié de la jeune métis était ciselé par une musculature nerveuse. Si elle était agréablement proportionnée, avec de longues jambes et une taille fine, elle n'avait pas de courbes alléchantes pour contrebalancer son allure athlétique. Son visage, indéniablement beau et même frappant, possédait un charme bohémien et sauvage qui ne correspondait pas au critères de beauté glacée conventionnels. Sa peau était trop sombre. Ses cheveux d'une couleur trop vive. Ses boucles trop épaisses. Et ses yeux pas assez clair, et trop farouche. Son allure trop exotique ne s'accorderait jamais, ou alors tout en contraste, avec le charme nordique de son partenaire. Trop de "trop" et de "pas assez", en définitive. Mais à Dieu va! Elle n'avait plus le choix. Dans un ultime soupir, elle ferma l'appartement et passa prendre le russe devant chez lui.

- Bonjour… Chris.

Il fallait s'y habituer, à présent.

Le ronronnement du moteur eut au moins l'avantage d'apaiser la jeune femme. Au lieu d'arborer un visage fermé, et le regard sombre des mauvais jours, elle avait juste l'air posé. Peut-être très légèrement crispée. L'anglaise se demandait jusqu'à quel point elle devait jouer la comédie avec Nikolaï, et se sentait affreusement coupable de lui en demander tant. Elle lui lança un ou deux regards en coin, mais n'ouvrit pas la bouche. Le pauvre ne méritait pas ça. Ce fut uniquement devant les portes de l'agence, lorsqu'elle lui prit le bras avec nonchalance, comme n'importe quelle femme avec son compagnon, qu'elle lui glissa doucement, loin de toutes oreilles indiscrètes:

- Excuse-moi de te faire subir tout ça. Je suis désolée.

Et également, bien sûr, de lui manquer de respect à ce point en sautant à pieds joints dans le tutoiement, mais une autre attitude paraîtrait par trop suspecte. Tout du moins ne lui imposerait-elle pas sa présence plus que de rigueur. Et il pénétrèrent ensemble, d'un pas tranquille, dans l'agence. Dans l'arène.

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Pourquoi avoir accepté de participer à un concours de beauté pareil ? Le russe n’en était pas trop sûr. Il avait vu dans les yeux d’Elisabeth qu’elle croyait sincèrement à cette histoire, à ce message mystérieux qu’il lui avait fallu décoder. Nikolaï aurait sans aucun doute pensé que tout ceci n’était qu’un canular, s’il n’y avait pas eu confirmation que le chef des S.F.U. avait été aperçu dans les locaux de la dite agence. Ceci était louche, et il y avait un mauvais pressentiment en pensant à toute cette histoire. Il ne savait pas quel était le but de ce chef de gang, mais ce ne devait pas être quelque chose de bien joli. Etant le bon flic qu’il était, Nikolaï ne pouvait évidemment pas laisser passer une telle chose, c’est pourquoi il avait accepté. Mais il se demandait toujours pourquoi l’avoir choisi lui. Certes, il avait commencé à travailler sur une affaire ensemble, mais mis à part cela, lui et la jeune sniper ne se connaissaient absolument pas. Ils se côtoyaient au boulot, sans plus. Et modeste comme le russe était, il ne se trouvait pas spécialement beau, du moins pas assez pour pouvoir poser pour un concours. Cependant, ils avaient été pris, et c’était avec surprise qu’il avait écouté le message sur sa boîte vocale. Sérieusement ? Lui, mannequin ? C’était à se demander si le jury qui les avait choisis n’était pas un petit peu aveugle. Mais tant mieux, l’objectif était atteint, et c’est tout ce qui comptait.

Ce matin-là, comme à son habitude, il avait préparé le petit déjeuner pour An, son petit frère. Mais il n’y avait qu’une assiette. Lui s’était contenté d’un yaourt, pensant qu’il lui serait difficile de ne rien manger avant la séance. Et puis, un yaourt ne pouvait pas faire de mal, c’était juste histoire de se caler et de ne pas entendre son estomac râler. Il se devait d’être concentrer et attentif à tout ce qui allait l’entourer. Le moindre indice serait le bienvenu. Bien entendu, le plus simple aurait été de demander une perquisition, mais sans mandat ou preuve, il était impossible de faire cela, et sa collègue avait d’ores et déjà essayé. Vêtu de façon simple, il avait pourtant l’air distingué. Une tenue normale pour le russe consistait d’une chemise blanche et d’un jean bleu marine. Le temps s’était rafraîchi à New York – 2, et c’était pour quoi il avait également opté pour un pull en forme de V et d’une veste légère.

Rassemblant ses affaires, notamment son portefeuille, son téléphone portable et ses faux papiers d’identité, il attendait patiemment l’heure à laquelle Elisabeth était censée venir le chercher. Non, son nom n’était plus Elisabeth. Il se devait de la nommer autrement à présent, pour ne pas attirer l’attention. Angelina, le deuxième prénom d’Elisabeth, voilà comme s’appelait sa… femme. Une expression médusée apparut sur son visage alors qu’il se recoiffait dans le miroir de l’entrée. Sa femme, hein ? Il n’aurait jamais pensé devoir considérer sa collègue de travail comme tel, mais tout cela était dans le but d’une enquête. Rien de plus. Heureusement pour lui, il n’était pas marié, sinon qui c’est ce que sa femme, si cette dernière existait, aurait dit à propos de cela. Il n’avait jamais été marié, malgré ses trente ans. Fiancé une fois, mais le mariage n’avait pas eu lieu. Beaucoup de choses s’étaient passées, et il ne voulait pas y penser pour le moment. Gardant ses yeux fixés sur son reflet, il était pensif. Comment la séance allait-elle se passer ? Il n’y connaissait rien. Le monde de la mode lui semblait si loin et si étranger qu’il n’aurait jamais pensé un jour devoir l’approcher de si près.

Ses pensées se tournèrent alors vers Elisabeth, sa collègue. Elle n’était pas laide, loin de là. Du point de vue de Nikolaï, cette dernière avait un charme indéniable. Ses cheveux étaient comme une crinière flamboyante, du moins il pouvait le deviner en voyant la tresse permanente qu’elle avait, et elle détenait une démarche droite, souple, presque féline. Et ses yeux étaient tels deux précieuses émeraudes, qui envoûtaient facilement. Non, il n’y avait pas à dire, sa collègue était une jolie femme, au charme exotique, et il était certain que nombreux de ses collègues mâles se battraient pour un rendez-vous avec la belle. Chose impossible car elle semblait inaccessible.

Il était à présent temps d’y aller. Descendant de son immeuble, il pouvait voir arriver la voiture de sa collègue. Montant dans la voiture, il lui offrit un léger sourire. Mieux valait être détendu que crispé, et s’ils voulaient se faire passer pour une couple tout à fait normal qui venait de se marier, il fallait qu’il entre dans le jeu, lui aussi.

- Bonjour, Angelina.

Mettant sa ceinture de sécurité, il laissa la jeune femme les guider jusqu’au quartier des affaires, là où se trouvait l’agence de mannequinat. Un silence s’était installé entre eux, mais il n’était pas pesant. Certes, tous deux devaient être plutôt tendus, voire crispés, mais ils ne le montraient point. Lui espérait juste que tout se passerait bien et que tout le monde n’y verrait que du feu. Il n’avait pas pris d’arme avec lui, cela aurait paru suspect quand ils devraient se changer. Une fois arrivés, le russe marche aux côtés d’Elisabeth et lui laissa son bras, la guidant d’un pas rapide vers l’accueil. Se tournant vers elle, toujours avec un sourire, il secoua la tête.

- Nul besoin de t’excuser. Jouons le jeu comme il se doit, et tout se passera bien. Si nous découvrons quelque chose, faire cela n’est qu’un léger prix à payer, et si nous ne trouvons rien, essayons juste de nous amuser.

Optimiste le russe. A présent à l’intérieur de l’agence, il jeta des regards curieux autour de lui, découvrant pour la première fois les lieux. Il y avait des gens de part et d’autres, et tout semblait être en ébullition. Ne sachant pas se repérer ici, il emmena Elisabeth vers l’accueil, et une personne les guida jusqu’à la salle où se déroulerait la séance. Il y avait des spots ici et là, un fond blanc où ils devraient probablement se tenir, deux portes, probablement les vestiaires pour hommes et femmes. On leur demanda de patienter ici pour le moment, jusqu’à l’arrivée des stylistes et du photographe. Se tournant vers sa collègue, il resta contre elle.

- C’est assez impressionnant tout de même, tout ce monde juste pour nous… Tu penses qu’il y aura un autre couple ?

[Il s'était réveillé en sursaut ce matin là.]

Les yeux un peu écarquillés, la gorge sèche. Un coup d'oeil sur les draps froissés. Elle était déjà partie.

Ça s'était mal terminé. Il avait cru pouvoir recoller les morceaux, les bris minuscules. C'était un travail trop fastidieux, et même avec toute sa volonté, il n'y parviendrait pas. Il fallait s'y faire. Alors comme chaque jour il avait trouvé la force de se lever. Non, les palpitations de son coeur n'étaient pas suffisantes pour l'éloigner de sa véritable Nature. Comment appelle t-on un Homme qui, malgré lui, fait passer Fierté personnelle avant même le grandiloquent Amour ? La réponse se trouve dans les récits bibliques, cachée sous des préoccupations plus terre à terre et des raisonnements simples et rapides. Cet homme injustement blâmé pour sa cupidité, son envie, l'Envie ou la Perfidie, était bien pire que tout cela. Judas a trahi car il pressentait qu'il ne pourrait s'empêcher de trop aimer. Le pire des vices est donc bien l'Orgueil, et le brun se confortait dans cette idée qu'il suivait le pire des chemins dans tous les domaines.

Enfermé dans la salle de bain, il se rendit compte qu'il se scrutait depuis de longues minutes dans le miroir poli. Allez, dépêche toi un peu ou tu vas arriver en retard. On se rase les joues d'abord, méticuleusement. Des doigts glissent sur la peau encore fraîche. Mh, c'est tout doux. Les grandes mains ramènent les cheveux épais en arrière d'un geste ample. Les dents mordent dans un second croissant après avoir qu'il ait avalé d'un trait le verre de jus d'orange. Pas comme s'il allait les écouter, ces férus de mode, avec leur régime à la con, et c'est pas ça qui lui retirerait du charme. Un jean noir ceinturé de cuir, une chemise blanche a fines rayures mal boutonnée, ça suffirait hein ? Ce n'était pas comme s'il allait se poser plus de question quand à sa tenue. Des chaussures vernies, une veste chaude et sombre, et il claquait la porte de son appartement confortable, les clés de sa berline tournant autour de son index.

Pas que ce rendez vous le rendait fou d'enthousiasme, non. Une raison avait ajoutée du poids une autre, déjà bercée par le côté narcissique de Miguel. La première était que sa patronne se lançait dans le jeu. Il ne pouvait décidément pas, en sa qualité de garde du corps, la laisser sans surveillance, et pour ne pas attirer les soupçons -la belle avait désiré rester anonyme-, il n'y avait qu'une solution: sauter à pieds joints dans ce concours à la Gloire. Une autre motivation, plus discrète et modérée, s'agitait cependant dans l'esprit de l'homme de main. Devenir un centre d'intérêt médiatique durant un certain temps, même en temps que simple participant, attirerait peut être Son attention. C'était désespéré, peut être. Qui ne tente rien n'a rien. Et il avait déjà survécu au premier écrémage, comme quoi il n'avait certainement pas tord au final ! Lui, petite frappe dans les ruelles sordides de Tôkyô, devenu Informateur renommé dans un monde glauque, puis escorte d'une chef de gang , était passé par tout ce dont un homme peut cauchemarder, et il se trouvait pourtant, par un coup du sort, dans une position radicalement opposée à ce qu'il avait pu connaître dans sa vie et pour les prochaines heures à venir. Autant essayer de s'amuser.

Il ne croyait pas si bien dire.

Coincé dans les habituels bouchons du matin, il relisait les quelques messages présents sur son téléphone portable dernier cri. Des petits mots, anodins, presque inutiles, et si importants pourtant. Cette personne ne lui écrivait plus depuis un certain temps. D'autres étaient venus s'y ajouter, de la part de celui qu'il avait toujours assimilé à une petite fouine. Une proposition qu'il avait acceptée sans trop réfléchir. Au point où il en était. Un soupir franchit ses lèvres un peu gercées par le froid. La file pouvait pas avancer plus vite ?

Tu penses qu'il y aura un autre couple ?

Le souffle saccadé, Miguel Riveira venait de franchir le seuil de la pièce. Les joues rosies par une marche rapide depuis le parking où il s'était garé en trombe, les mèches en bataille. Il venait d'entrer et avait entamé un excuse bredouillée à l'attention des personnes présentes, mais le bruissement d'une voix familière avait arrêté sa mécanique. Il n'avait même pas remarqué qu'il retenait son souffle.

Que faisait-Il ici ? Ça ne pouvait être vrai. Il pensa d'abord à une illusion, un mauvais tour de son esprit. Maintes fois il s'était retourné dans la rue au passage d'un jeune homme, croyant Le voir. Mais non, les secondes s'écoulaient, et c'étaient bien ses yeux limpides, uniques qu'il pouvait observer sans ciller un instant, comme extérieur à cette Scène. Et cette rouquine qui l'accompagnait, qui était-ce ? Attends une minute.... est-ce qu'il venait bien de dire... il n'eut l'air de se rendre compte qu'alors de la présence de la demoiselle flamboyante aux côtés du russe.

La pause de stupéfaction avait duré une éternité pour lui, en réalité il ne s'était écoulé qu'à peine deux secondes depuis son entrée, pourtant tout avait été très vite dans sa tête. Jouer le jeu. Jusqu'au bout. Ne pas se laisser surprendre et contre attaquer en avance. Et, comme étrangère a lui-même, il pouvait entendre sa voix grave et rauque s'élever, un prénom prononcé à l'espagnole, un nom aux consonances britanniques.

- Non, il n'y aura pas d'autre couple... je suis seul. Angel Wright, enchanté madame, monsieur.

Sourire poli et main sur coeur brisé.

La salle était blanche, lumineuse, spacieuse. Elle sentait le trop propre et le trop astiqué, des affiches d'une élégance discrète offraient trop de sourires faussés dans des visages trop parfait. Elisabeth détourna les yeux d'un regard de papier glacé trop clair et trop vide. Sans attrait. Les mots de son collègue l'avaient apaisée, brièvement. Tout du moins avaient-ils freiné l'inquiétude, et s'était elle reprise. L'anglaise lui rendit enfin le sourire amical qu'il affichait pour elle depuis déjà longtemps, rassérénée. Il était vraiment gentil, et serviable. C'est fou ce qu'ils tranchaient tous deux, elle en survêtement clair et pratique, tresse de feu et regard sombre, lui d'une sobre élégance, jean et chemise, regard de glace douce. Il étaient là, plantés au milieu de la pièce silencieuse, immobiles. Affichant un amour aussi faux que les décors autour.

- C'est assez impressionnant tout de même, tout ce monde juste pour nous… Tu penses qu'il y aura un autre couple?

Bruits de portes, excuses bredouillées, puis rien. Un silence figé, bref. Avec la promptitude qui la caractérisé et qui était un peu effrayante, parfois, Elisabeth se retourna. Un homme venait de passer la porte, essoufflé, décoiffé, beau. Normal, on était dans une agence de mannequin. Sauf que comme eux, il n'avait pas grand-chose d'un mannequin. Carré, fort, démarche féline, silhouette découpée et muscles burinés. Regard brûlant, fiché dans les yeux calmes de son collègue et mari occasionnel. La conclusion fut rapide et évidente: ils se connaissaient. A quel point, elle ne le devinait pas.
D'ailleurs, il reprit vite contenance, se présentant poliment.
Pendant une seconde encore, la sniper garda ses yeux d'un vert douloureux posés sur l'homme, Angel Writgh. Pendant une seconde, elle sentit que son expression dure n'était pas celle que se devait d'afficher une jeune mariée participant à un concours de beauté. Se glissant tant bien que mal dans son rôle de cruchette écervelée, elle afficha son plus grand sourire.

- Oh, nous sommes les seuls! Formidable, ça multiplie nos chances. Enchanté, Angel. Je peux vous appeler Angel? On était un peu angoissé, vous savez. Vous participez aussi? C'est super, nous sommes au complet, alors. Je suppose que les stylistes et les photographes ne vont pas tarder! Je suis impatiente de commencer! Ah, je m'appelle Angelina.

Il faudrait vraiment qu'elle remercie Jack: c'est en l'imitant consciencieusement qu'elle avait appris à babiller stupidement. Ce n'était pas son genre. Mais elle était encore loin d'avoir le talent de l'espagnol, son naturel. Quelque chose clochait dans son discours. Son regard d'une dureté adamantine, peut-être. Ou plus certainement le fait qu'elle ne s'était pas présenté immédiatement et avait laissé le soin à Nikolaï de le faire lui-même, manière discrète mais subtile de poser une distance: je sais que vous savez qui il est. Elle avait sentit sous sa main Nikolaï se tendre. Il fallait vraiment qu'elle dénoue la situation. Tout de suite. Une pression calme sur le bras offert de son compagnon, et c'était reparti.

- Nous avons été tenté par l'affiche, vous savez. Les prix, tout ça. On s'est dit que cela pouvait être amusant! Et puis, qui sait? La célébrité peut-être. Et vous? Pourquoi êtes-vous venus?

Des débilités profondes débités d'une voix convaincue. Un style de langage volontairement plus mauvais que le sien, voire même incorrect, dans un genre gamine un peu stupide, un accent anglais qui soulignait une forme affectée de superficialité. Personne n'aurait deviné la flic, la militaire ou la fille de Lord bien éduquée. Personne n'aurait reconnue Elisabeth.
C'est bien ma fille, la prochaine fois essaie la météo. C'est toujours valable, la météo.
Non, vraiment, elle n'était pas au point, mais ça passerait pour cette fois. La prochaine fois qu'elle croiserait son ami hispanique, si jamais elle le recroisait un jour, il faudrait vraiment qu'elle lui demande des leçons. Il avait un débit et une aisance qu'elle n'avait pas. Jack. L'accent de cet homme, son nom occidental prononcé avec le chaud accent du sud, son teint halé, tout le lui rappelait.
Pas le moment de se montrer nostalgique.
Le bon côté des chose, c'est que la demoiselle l'avait relancé. Le temps qu'il réponde, elle pouvait réfléchir et son collègue se reprendre. Et puis avec un peu de chance, stylistes et photographes allaient couper court au problème. De la chance? Voilà qu'elle envisageait avec espoir que des idiots gominés s'approchent d'elle armés de brosses et de maquillage, et autres outils de torture douteux. Elisabeth eut un soupir discret: elle n'était pas sûr de tenir la cadence. Seulement deux tirades typées et vides, et elle était déjà à court d'idées. Vraiment, l'anglaise n'était pas sociable.

Elle eut un soupir discret. Voilà, elle avait épuisé son stock de banalité. Ne restait qu'à espérer que Nikolaï aurait du rab, ou que quelqu'un d'autre allait arriver. Eli glissa un regard discret à son mari occasionnel.

Non. En fait il fallait que quelqu'un rentre. Le mélange qu'elle tenait entre ses mains était explosif, et elle allait très certainement se brûler. Presque inconsciemment, elle se posait entre les deux hommes, tampon ô combien inutile. Elle perdait le contrôle, et elle détestait ça.
Elle resserra sa prise sur le bras de son "mari", attache fragile. Leur couverture avait sauté, celle de "Angel" aussi. Restait à savoir si il allait dire quoi que ce soit. Restait à savoir si ce type, en face d'elle, trempait dans quoi que ce soit. Restait à savoir si ce type, en face d'elle, était aussi dangereux qu'il en avait l'air. Quelque chose lui soufflait que oui.

Et voilà, première journée de boulot ! Du moins premier jour de séances pour le concours. Il espérait juste que tout se passerait pour le mieux. Kevin Storey, vingt-cinq ans, jeune américain plein de talent et qui commençait une carrière flamboyante. L’agence l’avait choisi pour faire les clichés de jeunes mannequins amateurs, ou non, qui paraîtraient dans le magasine VOQUE. D’ailleurs, on lui avait déjà donné une avance, histoire de le motiver un peu. Ils étaient gentils dis donc chez Elite Agency ! En tout cas, il était en retard aujourd’hui, mais il ne voulait tout simplement pas s’empiffrer devant les mannequins. Déjà qu’il leur avait été recommandé de ne pas manger avant de venir à la séance, ce n’était pas la peine de les torturer non plus ! Installé dans le bus qui le menait à l’agence à présent, il regardait les quelques clichés des candidats qui seraient présents à la séance de ce matin. On lui avait donné carte blanche pour faire tout ce qui lui plaisait, et c’était tant mieux ! Lui était plein de créativité !

Arrivé à l’agence, il salua avec entrain les différents employés qu’il connaissait et se dirigea d’un pas rapide à la salle numéro une. Là-bas, une ambiance tendue et électrique l’attendait. Un sourcil haussé, casquette vissée sur la tête, il se présenta, presque timidement, aux trois candidats. Les deux hommes qui étaient là semblaient se regarder en chien de faïence. C’était troublant, et cela ne le mettait pas à l’aise. Mais soit, il détendrait de lui-même l’atmosphère ! Avec un grand sourire, il s’approcha du petit groupe, les bras ouverts, un grand sac de sport à l’épaule.

Kevin Storey était quelqu’un de simple d’esprit. Il s’habillait sans trop se soucier de son apparence, du moins quand son patron ou sa patronne n’était pas là, et était d’un naturel joyeux, toujours prêt à faire la fête ou à raconter une blague.

- Bonjour les p’tits ! Je suis Kevin Storey, votre photographe pour la matinée. J’espère que l’on va tous bien s’entendre !

S’approchant de la demoiselle, il lui fit un baisemain, ainsi qu’un clin d’œil, n’oubliant évidemment pas qu’elle était en couple avec l’homme aux yeux de glace à qui il serra la main de bonne humeur, avant de passer au dernier, le grand ténébreux pas net. Tous les trois étaient très beaux, encore plus beaux en vrai ! C’était au-delà de ses espérances en tout cas ! Pour la jeune femme flamboyante, un maquillage naturel serait le mieux. Ensuite pour les deux hommes, des tenues sobres mais élégantes. Peut-être un long manteau d’hiver pour celui aux yeux bleu, avec une écharpe, des gants. Et pour l’autre un costume ? Ce n’était pas à lui de décider de toute manière.

- Je vois que tout le monde est là ! Alors vous, vous devez être M. et Mme Cooper n’est-ce pas ? Je peux vous appeler Chris et Angelina j’espère ? Et vous… Angel Wright, c’est ça ? Enchanté, enchanté !

Cette séance promettait en tout cas ! Il était certain qu’il ferait de magnifiques clichés avec ces trois-là. Avec une certaine hâte, il les pressa vers les deux portes, parlant de tout et de rien, et surtout à lui-même. Il réfléchissait aux positions, aux clichés, aux expressions de visage… La photographie, c’était le petit paradis de Kevin. Autant dire qu’il adorait ça depuis son plus jeune âge ! Et avec une mère peintre et un papa photographe, il possédait la fibre artistique en lui.

- Allons, nous ferons plus ample connaissance plus tard. Madame, par ici pour la cabine des femmes. Les maquilleuses vont s’occuper de vous, ainsi que la styliste ! Messieurs, c’est par là pour vous ! On se retrouve dans trente minutes grand maximum ! Je vais installer le matériel en attendant !

Et il frappa dans ses mains joyeusement avant de s’éloigner, presque en gambadant. En effet, une styliste emmena Elisabeth dans la loge réservée aux dames et la fit s’asseoir sans plus attendre. Pour les deux hommes, deux autres stylistes les firent rentrer dans la seconde pièce. Les loges étaient sobres et bien éclairées, comme toutes les loges que l’on voyait dans les films, avec ces grands miroirs et ces grandes ampoules. Il y avait deux coiffeuses dans chaque loge, avec dessus des produits de beauté éparpillés ci et là. Même les hommes étaient maquillés, pour cacher des imperfections au niveau du visage, un bouton par exemple, ou des cernes. Derrière les coiffeuses, à l’arrière de la pièce se trouvaient des penderies bardées de vêtements en tout genre.

Dans la salle principale où se déroulerait la séance, tous les techniciens s’affairaient. Il n’y avait pas de temps à perdre.

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Ici, les coiffeuses s'occuperont de vous, ainsi que les maquilleuses et les stylistes. Libre à vous de décrire comment ils ou elles sont. Kevin vous attend devant son appareil photo, face au fond blanc.

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A peine la question posée entendit-il une voix plus grave qu’il reconnaissait parfaitement. Sans un mot, il se tourna légèrement vers l’homme qui venait d’arriver. Ne répondant rien, il laissa sa partenaire faire les présentations. Lui était bien trop choqué pour faire quoi que ce soit, et malgré le masque impassible qu’il se forçait à garder, on pouvait sentir sa crispation. Ceci n’était pas passé inaperçu, du moins pas aux yeux d’Elisabeth. Reprenant contenance, il lança juste un sourire poli au brun. Que faisait-il ici ? Ce n’était pas normal. Et juste après leur dernière rencontre de plus… A croire que le destin voulait vraiment s’acharner sur le pauvre Nikolaï. Sa coéquipière en tout cas jouait son rôle à merveille. Miguel allait-il dire quoi que ce soit ? Hochant la tête en guise de salut, il gardait ses yeux fixés sur ceux de son interlocuteur.

- Chris Cooper. Enchanté.

Il n’arrivait tout bonnement pas à faire la conversation, comme si de rien n’était. Douloureusement, il se rappelait des mots qu’il lui avait lancés en pleine figure l’autre jour, mais ne regrettait nullement cela. La présence d’Elisabeth à ses côtés le rassurait néanmoins. C’était sans nul doute que la jeune femme lui poserait des questions plus tard. Et qu’allait-il donc répondre face à ses interrogations ? Il ne savait pas encore. Il aviserait. Pour l’instant, il devait écoper de la surprise. Il doutait que Miguel ait cherché à le traquer, et il pouvait lire dans son expression de visage qu’il ne s’attendait pas non plus à le voir ici. Etaient-ils donc tous deux à ce concours de beauté pour la même raison ? En tout cas, cela renforçait sa conviction que quelque chose de louche se déroulait dans les locaux de l’Elite Agency. Il en toucherait un mot à Elisabeth plus tard. Peut-être même pourraient-il faire un tour dans l’agence plus tard, histoire de fouiller un peu partout. Pour l’instant, ne pas se concentrer sur Miguel, mais sur l’enquête. Trouver des indices avant tout, de quoi continuer l’enquête.

- Oui en effet, mais ce sont plutôt les prix qui m’ont attiré pour ma part. Je n’aimerais pas voir des paparazzis en bas de chez nous à chaque instant de la journée !

Un léger rire. Non, surtout ne pas se laisser abattre. Promenant son regard sur les alentours, il n’avait rien remarqué d’étrange ou d’anormal. Et un jeune homme s’approchait d’eux à vive allure d’ailleurs. Kevin Storey, leur photographe. Ce n’était pas trop tôt. Lui n’aurait pas pu tenir une minute de plus à faire la conversation avec Miguel. Soulagé par son arrivé, il posa sa main sur celle d’Elisabeth qui lui tenait toujours le bras, voulant la rassurer par là. Il doutait que Miguel fasse quoi que ce soit pour compromettre leur mission, si lui souhaitait que la sienne continue sans accroches. Tout ce qu’espérait le russe était que Miguel ne fasse rien pour se venger, et surtout qu’il ne fasse rien à sa collègue. Il connaissait le tempérament du plus âgé. Mais après leur dernière discussion, il n’avait plus le droit de rien faire concernant leur relation à tous deux.

- Oui, vous pouvez. Ca ne me dérange pas le moindre du monde, et je pense que c’est pareil pour ma chère femme. Enchanté également, Kevin, si je peux me permettre de vous appeler par votre prénom également.

Poussé par le jeune photographe, il haussa un sourcil. Lui et Elisabeth allaient être séparés ? Bon, cela ne devrait pas être un gros problème vu qu’ils allaient se revoir dans une demi-heure maximum, mais le plus dérangeant pour lui était d’être laissé presque seul à seul avec Miguel. Cette perspective le perturbait et le rendait anxieux, mais il obéit aux ordres du photographe. Lançant un regard et un sourire à la jeune femme, il se dirigea vers la porte qui lui était destiné.

- On se revoit tout à l’heure alors.

Pénétrant dans la loge, il y avait trois personnes à l’intérieur. Deux d’entre elles devaient être les maquilleuses, et d’ailleurs on l’invita à s’asseoir face à l’un des grands miroirs, après lui avoir retiré sa veste. Perplexe, il regarda la maquilleuse à travers le miroir. Cette dernière l’observait sous toutes les coutures, lui faisant monter et baisser la tête, la faisant tourner à droite et à gauche. Un peu de fond de teint par-ci par-là car il était trop pâle. Le reste, il ne savait pas exactement ce que c’était. On lui coupa même un peu les cheveux et appliqua du gel pour lui donner une coupe plus… fashion disait-on. Nikolaï se laissa faire sans ronchonner. Il n’adressa pas la parole une seule fois à Miguel, et espérait que ce dernier ferait de même. Derrière, la styliste s’affairait à trouver de quoi les habiller. Elle, au moins, semblait inspirée.

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