[Entretien]
Record number 4
- M. XXX, c’est aujourd’hui notre quatrième rendez-vous, et vous ne m’avez encore rien raconté à propos de vous. Ne pensez-vous pas que cela serait le bon moment ? Après tout, je lui là pour vous aider. Vous pouvez tout me confier.
- …
- Un effort, voyons. Sans ça, il serait difficile pour moi de mieux vous comprendre. Parlez-moi donc un peu de votre enfance, de vos connaissances, de votre entourage familier. Avez-vous des frères ou des sœurs ?
- Non…
- Mmh. Avez-vous toujours vécu ici, dans cette ville ?
- Non…
L’homme se lève. Sur son visage, je peux lire sa fatigue, son irritation grandissante. Je suis quelqu’un de difficile. Je n’aime pas parler. Encore moins me confier. A quoi bon ? Je suis bien comme je suis. J’ai juste pensé que lui parler serait intéressant. Histoire de voir quelles méthodes il utiliserait pour me faire ouvrir la bouche.
- M. XXX, vous et moi devons établir une relation de confiance, sans ça il sera difficile pour vous d’avancer. Si vous êtes venu jusqu’à moi, c’est bien que vous pensiez avoir besoin d’aide non ?
Ou alors je me contente juste de rire sous cape devant ta pathétique figure, ton ventre bedonnant, ta blouse blanche. Non mais pour qui il se prend ?
- Est-ce que vous aimez le jazz ? Un peu de musique vous relaxerait peut-être.
- …
Qu’il fasse comme il veut. Je ne compte rien dire. A moins d’être acculé contre un mur. Je lui fais perdre son temps. Il est agacé. Même après les trois précédentes séances, je ne dis rien. Je le regarde, sans ciller. Il est mal à l’aise, alors je détourne les yeux, un instant.
- Dîtes-moi, M. XXX, que recherchez-vous exactement ? Que voulez-vous de moi ? Je vous ai déjà dit que j’étais là pour vous aider, mais je ne peux rien faire si vous restez renfermé sur vous-même. Vous devez vous libérer un peu, ouvrir la porte qui mène à votre cœur. Ne me donneriez-vous-même pas la clé ?
C’est qu’il commence à être agaçant, lui aussi, avec ses métaphores. Il se prend pour un Shakespeare des temps modernes peut-être ? Je le regarde encore un instant, puis me lève. J’attrape ma veste, le remercie, et quitte les lieux. Il n’a pas cherché à m’arrêter. Pour lui, je ne suis rien. Peut-être juste une énigme, un mystère à résoudre, mais…
[Entry #2]
Friday, 13th February 20XX
Voyeur.
Certains passages sont personnels, vous ne devez pas les lire coquin, ou coquine. Pourquoi les avoir écrit ici, me direz-vous. Eh bien, j’en avais juste envie. Il faut bien que je relate tous ces faits quelque part. Ne cherchez pas trop, rien dans ce carnet ne peut dévoiler ma réelle identité. C’est fatiguant de lire debout, alors vous vous êtes assis dans ce fauteuil en mauvais état, au cuir usé. De toute manière, personne ne va venir. Normalement. Je tiens tant à garder mon anonymat qu’il serait insensé pour moi de débarquer.
Et si quelqu’un d’autre arrivait ? Vous y avez pensé ?
La curiosité est vraiment un vilain défaut. Un jour, vous allez vous faire prendre au piège.
Au cas où vous n’auriez pas compris, l’entretien précédent était entre moi et le Docteur Szeiwss. Je l’ai revu après cela, mais c’est pour plus tard. Il faut être patient.
Vous vous demandez où vous êtes dans ce carnet ?
Seriez-vous déçu(e) de ne rien trouver sur vous ?
Ou bien, soulagé(e) ?
Pas d’inquiétude. Ce carnet est bien long. Il y a vraiment beaucoup de pages. Vous pouvez le consulter comme bon vous semble, cependant, vous n’avez pas le droit de l’emmener avec vous. Non. Partagez un peu. Avec qui ? Ceux qui vont venir après vous voyons…
[End of Entry #2]
Un bruit à l'entrée. Personne ne s'y trouve pourtant.
Sûrement un rat.