Obsession.

[ Cells - The Servant ]

Il poussa la porte, doucement. Un bref coup d'oeil à l'intérieur lui confirma qu'il n'y avait personne. De toute évidence, il avait surveillé l'endroit, et le matin semblait parfait pour s'y introduire. A cette heure, étudiants et braves fonctionnaires vaquaient à leurs occupations respectives. C'est avec une certaine religiosité que le trentenaire franchit le pas de la porte. Je rentre à la Maison. Une certaine chaleur émanait des meubles coquets, du caractère propre et rangé de la pièce de la pièce principale. Il lui semblait palper ce Chez-Eux, disparu il y a une éternité. A New York, il n'avait su imiter cette sensation, reproduire une étincelle semblable. Alors une certaine émotion l'enivrait, lui, l'homme de main incapable du Pire dans le Meilleur. Peut-être était-ce simplement l'alcool qui lui brouillait les sens. On avait beau être en début de journée, il était encore au West Coast quelques heures auparavant. Et il arpenta le nid douillet, avec patience.

Le salon d'abord. Il put s'asseoir au creux d'un canapé confortable près duquel se trouvaient quelques bouquins. Je lis par-dessus ton épaule. Au vu des titres, il était installé à Sa place lorsqu'Il se mettait à lire. Grisant. Les ouvrages furent parcourus, les pages cornées furent lus plus attentivement. Le tout fut délaissé ici et là sur la moquette.

La cuisine, impeccable. Les placards regorgeaient d'aliments de toutes sortes. Ils devaient manger de bon petits plats maison ici. Le frigo aussi était raisonnablement garni. Fruits et légumes de toute sortes. Je t'enlace la taille alors que tu prépare le repas. Le passage dans cette pièce fut bref. Il n'y avait pas grand chose à voir sinon les quelques bières qu'il emprunta. Leurs cadavres furent disséminés à travers l'appartement durant le reste de la visite.

La salle de bain. Pendant quelques minutes il avait posé ses fesses sur le rebord de la baignoire, détaillant les flacons clairement répartis d'un côté et de l'autre de la grande vasque blanche. D'une part, quelques produits de beauté, ou de crèmes, il ne savait pas bien, aux couleurs acidulées. L'autre côté attirait davantage son attention. Une bouteille de gel douche et un shampoing pour homme. Il en huma l'odeur. J'enfouis mon nez dans tes cheveux teints de noir. Il se trouvait à présent face au miroir, et avait repéré un parfum qu'il avait ouvert. Au creux de ton cou pâle et tendre. Il en répandit une grande quantité dans le lavabo afin que l'air soit saturé de ces effluves dont il était dépendant.

Le bureau. Chaque chose à sa place, bien évidemment. Deux tiroirs fermés à clé, clé cachée quelque part. L'intrus se contenta de feuilleter les dossiers mineurs traînant ici et là de tripoter les babioles ornant les meubles. Je t'ennuie pendant que tu essaies de bosser. C'était qui cette blonde ? La photographie ne lui était pas inconnue, mais Il ne lui en avait jamais parlé au final. Après quelques tours à trois-cent soixante degrés sur le fauteuil de cuir, il titubait vers ce qui le rendait appréhensif.

La chambre. Les placards furent ouverts d'un coup sec. Il étreignit une veste d'abord. Puis un jean, un T-shirt. Il plongeait le visage tout contre le tissu, voulant s'imprégner de cette très légère senteur, de cette subtile présence qu'il possédait encore. Des éclats d'une mémoire défaillante revenaient. Disparaissant aussitôt. Il était difficile de les retenir. Son état n'arrangeait rien, il avait perdu tout notion de réalité. Il baignait dans l'Onirique. Flottait dans un Monde. S'extasiait de l'Absence. Il tenait un pull à bras le corps quand il s'effondra sur le matelas. Je te serre entre mes bras. La fabrique était douce, certainement autant que sa peau. Le plafond blanc, son corps d'ivoire.

C'est comme si j'étais hors de mon corps, avec Toi. En Toi. A Toi. Assimile moi. Fais de moi ton sang. Aussi rouge que le crépuscule qui peint déjà les parois de pourpre. Laisse-moi être Toi.

Quand il rouvrit les yeux, anesthésié par le rhum et l'objet qu'il tenait encore, son regard tomba sur le haut du lit. Là, il se sentit chavirer, comme si ce n'était suffisant. Un objet fragile traçait ses formes courbes et fantastiques sur le mur, comme une petite toile sensée purger les songes des cauchemars.

Le brun pencha le cou, retirant avec attention l'une de ses fines chaînes d'argent, il s'accroupit devant le chef de police, et le lui passa autour de la nuque. L'attrape rêves ornant le collier retomba sur la poitrine bandée. Les branches fines entrelacées dans le cercle d'acier, décorées de perles et de minces plumes turquoise, contrastaient avec la pâleur de cette peau. Ren caressa un instant le pendentif, frôlant le torse de son interlocuteur, il souffla.

- Il tient prisonnier les mauvais rêves. T'as intérêt à dormir le temps que je revienne, 'kay ?

Il s'était redressé sur ses genoux pour mieux le détailler, l'effleurer de ses doigts. Alors, malgré ce qu'Il lui avait fait croire, il restait encore un peu de quelque chose entre eux ? Et que signifiaient les signes cyrilliques tracés dans ce petit carnet, déniché au fond d'un des tiroirs verrouillés ?

La porte est fracturée, légèrement entrouverte. Dans l'habitation on remarque aussitôt que certains objets ont été déplacés, renversés. Quelqu'un s'est assis dans ce canapé. Quelqu'un a touché à ces livres. Quelqu'un s'est servi dans le réfrigérateur. Quelqu'un a emporté Ton journal secret. Quelqu'un a éparpillé des vêtements dans Ta chambre, quelqu'un s'est étendu sur Ton lit. Quelqu'un a inscrit deux mots, près de Ton attrape rêves. Un double sens très connoté. Intrigant.

TAKE CARE