Comme chaque après-midi peuplé par l'ennui et sa compagne la paresse, Ava Kuznetsov, photographe au NYT, était sortie se balader, après avoir enfilé un débardeur blanc et un jeans délavé, ainsi que des baskets basses... Son seul ami était son appareil photo, certes pas très loquace, mais fidèle, c'était le principale. Pour en revenir à la demoiselle, ses pas l'avaient menée au Zoo, perdu dans le Bronx... Bah, c'était un bon endroit pour prendre des clichés intéressants, enfin, presque... Perroquets, lions, tigres, singes... Une foule de créatures exotiques piaillant, rugissant ou hurlant. Que ce soit les captifs ou les visiteurs, tout le monde y allait de bon cœur, comme un orchestre bien garni. Seulement, lorsque le chef d'orchestre est inscrit aux abonnés absents, ce qui aurait pu être une symphonie plaisante se transforme rapidement en une cacophonie effrayante... Et dérangeante, surtout pour une jeune femme désireuse de se vider la tête en photographiant tout ce qui passait devant son objectif...

C'est donc pourquoi, après seulement 1h30 passées au zoo, que la photographe sortit, quelques clichés en boîte. Après avoir soigneusement rangé son appareil, elle sortit de sa sacoche un album de petit format, qui contenait toutes ses photos récentes, qu'elle n'avait pas encore eu le temps de trier. Et vu qu'elle avait du temps à tuer, autant le faire maintenant. Elle commença donc à le feuilleter, tout en marchant, ce qui n'était pas vraiment une idée très avisée, mais bon, ne parlons pas de malheurs avant qu'ils n'arrivent!

Son regard ambré se posa alors sur une photo qui avait déjà attiré son attention lors du développement. Elle ne représentait rien de particulier, si ce n'était un homme, de 3/4. Il était grand, mais alors vraiment grand. La peau mate, de type amérindien, à première vue. De longs cheveux foncés. Mais malgré son imposante taille, il semblait fragile, et pas très musclé. Sans savoir expliquer pourquoi, elle était comme fascinée, intriguée par cet inconnu qui apparaissait sur cette photo... Elle s'était d'ailleurs mis en tête de le retrouver, et d'en apprendre plus sur lui. Aux premiers abords, cette idée pouvait paraître incongrue, voir même dangereuse... Après tout, elle ne le connaissait pas, et qui sait s'il n'était pas un voyous ou un type peu recommandable? En fait, non, quelque chose dans son apparence, même sur papier glacé, avait quelque chose de rassurant, et d'attirant, voir même de mystérieux...

Après quelques minutes, Ava finit par s'asseoir sur un banc présent devant le zoo. Au moins, elle était certaine de ne heurter personne. Ses prunelles étaient toujours en train de scruter la fameuse photo, devenue l'intérêt principal de la journée. Malheureusement, elle fut dérangée dans sa contemplation par deux vieilles mégères en train de cancaner. Elle leur jeta un regard exaspéré...

-Патетическая... (Prononciation : Pateticheskaya / Pathétiques...)

...puis elle replongea dans sa réflexion. Comment allait-elle faire pour le retrouver? Après tout, elle ne connaissait ni son nom, qui quoi que ce soit d'autre, si ce n'est qu'il était grand. Sinon, c’était un parfait inconnu. Et comme la photo avait été prise de trop loin, on ne pouvait pas distinguer nettement son visage, donc aucune précisions de ce côté là non plus. La Russe était bien embêtée sur ce coup-ci, mais ce n’était pas pour autant qu’elle allait lâcher le morceau, sûrement pas! Quand elle avait une idée en tête, elle n’en démordait pas! Et puis, un peu d’investigation ne lui ferait pas de mal, surtout que c’était son boulot, au final...

Plusieurs minutes passèrent, et à nouveau, les deux pies recommencèrent à piailler, au sujet de la demoiselle cette fois-ci :

-Mais regardez-moi ça! Tous ces dessins sur le corps, et ces trous, ces piercings comme disent les jeunes... Si vous voulez mon avis, cette jeune fille doit être une délinquante mal élevée!
-Oui, vous avez tout à fait raison! Et en plus de cela, elle ne parle même pas notre langue!

Ava soupira longuement, et ferma d'un coup sec son albu, avant de lentement tourner la tête vers les deux commères, un sourire forcé ornant son visage. D'une voix aussi aimable que possible, elle leur dit :

-Mesdames, si vous voulez mon avis, vérifiez que la personne au sujet de laquelle vous médisez soit sourde ou au moins, qu'elle ne vous entende pas...

Les deux vieilles parurent outrées et surprises pas l'intervention de la demoiselle, et se turent totalement. Elle les remercia d'un hochement de tête, puis retourna à son occupation première... Comme elle ne trouvait toujours rien, elle finit par sortir son appareil. Mais avant cela, elle attacha sa longue chevelure blonde en une queue de cheval. C'était pour la jeune femme une sorte de rituel, une chose qu'elle faisait à chaque fois qu'elle comptait prendre des photos, sans vraiment savoir pourquoi...

A travers son objectif, elle observait le paysage environnant. Son regard finit par se poser sur un homme qui marchait tranquillement. Tout d'abord, elle ne l'avait pour ainsi dire pas remarqué, chose plutôt incroyable au vu de sa grande taille... La blonde descendit son appareil, les yeux rivés sur cet inconnu, puis elle prit son album et en sortit la photo qui occupait son esprit... Pas de doutes possibles, c'était bien l'homme en question, bien que vêtu différemment. Sur la photographie, c'était un complet gris, tandis qu'actuellement, il portait une tenue décontractée, un basique jeans et t-shirt...

Après une légère hésitation, Ava finit par se lever et se dirigea vers lui. Plus elle se rapprochait, et plus elle se confortait dans l'idée qu'il avait quelque chose de.... particulier. Lorsqu'enfin elle arriva à sa hauteur, elle l'interpella :

-Excusez-moi... Serais-ce vous sur cette photo?

Elle lui tendit ladite photo, un sourire amical aux lèvres. Bon, peut-être était-ce un peu trop direct, mais bon, tant qu'il ne prenait pas ses jambes à son cou, tout devrait bien se passer... Comme elle n'avait pas encore prit le temps de l'observer plus attentivement, elle se tut et leva les yeux vers son visage. La jeune femme fut alors surprise de croiser des prunelles améthyste... C'était si inhabituel comme couleur, mais en même temps, particulièrement attirant, fascinant même... Étrangement, son regard semblait, comment dire... rêveur, ailleurs... Quant au reste, il était comme sur la photo.

Cela faisait maintenant plusieurs minutes qu'elle le fixait, la bouche légèrement ouverte, à la façon d'un poisson rouge en train de buller dans son bocal... Pas vraiment très flatteur pour elle. La photographe cligna plusieurs fois des yeux, comme pour remettre ses idées en place, et s'exclama, d'un ton enjoué et gêné à la fois :

-Pardonnez-moi! Je suis vraiment distraite parfois! La moindre des choses serait de me présenter... Je m'appelle Ava Kuznetsov, photographe...

Elle souriait toujours, de façon douce et amicale, tout en tendant lentement une main vers lui, afin de le saluer en bonne et due forme. Ava ajouta :

-Enchantée de vous rencontrer, Monsieur....?

Sa phrase resta suspendue dans l'air, car pour l'instant, elle ne connaissait toujours pas son identité. D'ailleurs, elle pria intérieurement qu'il ne s'enfuie pas, la laissant ainsi en plan... Sinon, elle aurait l'air encore plus bête qu'elle n'avait l'air actuellement...

mmFaire comme si de rien n'était. Garder la tête haute. Le dos droit. Continuer de vivre...
mmIl avait beau se répéter inlassablement tout ça, Chogan n'était pas sûr d'y arriver... Dire qu'il en avait assez, ras-le-bol, marre n'étaient qu'euphémismes... Mais il ne semblait pas exister d'expressions plus fortes que celles que connaissaient Chogan... Et il était en colère aussi.
mmContre Cordeiro mais aussi, et surtout, contre lui-même. De ne pas avoir sût dire non cette fois là. D'avoir accepté la première fois. De n'avoir rien put faire d'autre que d'intégrer les Six Feet Under il y a cinq ans...
mmSix Feet Under. Ce gang portait parfaitement bien son nom. En cet instant, Chogan ne s'est jamais sentit aussi bas. Six pieds sous terre... Et pourtant il était bien vivant et le soleil de cet après-midi de mars le lui assurait grandement tant il lui tannait les bras et le visage.
mmCe matin là, il était de repos. Normal, après être partit en d'aussi grosses missions consécutivement, il avait bien mérité un sursit... Il était même libre jusqu'au surlendemain. Deux jours entiers pour vaquer à ses occupation et penser à autre choses qu'aux deux personnes qu'ils avaient enfermé, lui et Jack, la veille, dans le plus noir cachot qu'il lui avait été donné de voir. Rien qu'en y repensant, Chogan en avait la chair de poule ! Dieu qu'il détestait le noir... Dieu comme il en avait peur, Dieu comme l'obscurité lui rappelait tous ces mauvais souvenirs... Pourtant, une fois de plus il en était sortit grandit, une nouvelle résolution en tête. Celle de vivre encore plus, encore mieux. Celle de trouver une solution aussi...
mmEt il l'avait trouvé cette solution.

- John ? Oui c'est moi... Ouai je passe devant le zoo là, j'arrive d'ici 10min... Hum ? Ouai ouai, c'est bon t'inquiète pas...

mmLa voix grave de Chogan résonnait fortement à travers la petite boîte remplie de puces électroniques. Quelque part plus loin là bas, en fin fond du Bronx, ses amis l'attendaient. Un ballon de basket pour seule distraction. Des rêves pleins la tête et une vie de misère. Mais vivants, avec des forces, tous comme lui.
mmIl marchait d'un très bon pas sous ce soleil ardant et il commençait à avoir chaud. Aussi retira-t-il son sweater dont il noua les manches autour de sa taille. Il avait prit les première fringues qu'il avait trouvé dans son placard. Un jean troué et un tee-shirt bordeaux sans manches. Avec des taches de Javel au niveau du col... Il avait troqué ses éternelles Santiag pour des tennis blanches de cette marque si célèbre dans le monde du basket-ball... Enfin, il était bien dedans. Et elle avait la couleur de ses yeux.
mmSes longs cheveux bruns flottaient dans son dos, se soulevant au rythme de ses pas. Il n'y avait pour ainsi dire pas de vent.
mmSur sa gauche, il entendait les rires des enfants et les cris des animaux. Là, un lion ou un autre gros félins. Ici, un babouin ou un chimpanzé... A moins que ça ne soit un gorille ! Chogan n'avait jamais prit le temps de visiter le zoo. Pourtant, il paraitrait que c'est un des plus beaux zoos du monde... Que New York ai été rasé il y a quelques années puis reconstruite n'y changeait rien. Le zoo de la Big Appel II avait toujours la même réputation. Peut-être avait-il été refait à l'identique...
mmEnfin, le zoo de New York II ne faisait pas partit des préoccupations présentes de Chogan. En vérité, en ce moment même l'amérindien n'avait aucune préoccupation. Il se dirigeait juste vers le terrain de basket si cher à son cœur pour y retrouver ses amis avec qui il allait passer une merveilleuse après-midi, une excellente soirée avant de rentrer chez lui vers minuit et de se laisser tomber dans son lit, tout habillé, complètement HS... Et il allait dormir jusqu'au lendemain midi puis allait passer le reste de la journée à traîner. Peut-être appellera-t-il sa mère et son frère...

mmL'immense amérindien repoussa une longue mèche de cheveux lui barrant les yeux et leva son regard violet vers la jeune femme. Celle-ci lui paraissait comme un gamine regardant une souris dans sa cage. Ou la souris regardant la gamine... Il tiqua de l'œil lorsque celle-ci reprit soudainement la parole.
mmReplaçant derrière son oreille la même mèche récalcitrante, Chogan tandis à son tour sa main pour empoigner doucement celle de la jeune femme.

- Chogan Bodaway, et c'est bien moi sur la photo. fit-il de sa douce voix si grave et si chaude

mmLâchant la douce main blanche, il reporta son regard sur la feuille de papier glacé. Un fin sourire naquit alors sur ses lèvres et il reposa son regard améthyste sur la jeune femme.

- Vous devez être une sacrément bonne photographe pour me repérer ainsi dans la foule ! dit-il rieur, retournant la photo, se tordant à moitié le poignet pour coller l'image contre sa joue et la montrer ainsi à celle qui se prénommait Ava Bien que je soit particulièrement grand, rare sont ceux qui arrivent à me repérer dans la foule... Il est plus aisé de me retrouver quand on me connait que de me voir aux premiers abords !

mmEn parlant Chogan avait répondu à l'une de ses questions et son sourire s'agrandit encore plus.
mmC'était bien vrai... Le voir sans le connaitre dans la foule était, non pas impossible mais rarissime. Mais il est vrai que ses amis eux, le repéraient tout de suite parmi les autres... Peut-être est-ce parce que la photographe le cherchait qu'elle avait put le voir à cet instant.

- C'est que vous me cherchiez pour m'apostropher soudainement ? ajouta-t-il, à la fois moqueur et curieux